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Antibiorésistance en Afrique, une menace grandissante pour les enfants
Deux méta-analyses menées par les HUG et l’Université de Genève (UNIGE) mettent en évidence le fait que les enfants d’Afrique subsaharienne sont massivement exposés à des bactéries multirésistantes, notamment des entérobactéries. Ces bactéries, responsables des infections sévères les plus fréquentes, présentent des taux élevés de résistance aux traitements antibiotiques essentiels.
L’étude a été dirigée par la Dre Noémie Wagner, médecin adjointe agrégée à l’Unité d’infectiologie pédiatrique des HUG et privat-docent au Département de pédiatrie, gynécologie et obstétrique de la Faculté de médecine de l’UNIGE, ainsi que par la Pre Annick Galetto-Lacour, médecin adjointe agrégée au Service d’accueil et d’urgences pédiatriques des HUG et professeure associée au même département de l’UNIGE.
La première étude, fondée sur l’analyse de plus de 30 000 échantillons d’enfants âgés de 0 à 18 ans, révèle que 41% des souches d’Escherichia coli et 85% des Klebsiella spp., toutes deux des bactéries responsables de diverses infections, retrouvées dans le sang des enfants, sont résistantes aux céphalosporines de troisième génération. Ces antibiotiques, généralement utilisés en deuxième ligne de traitement pour les infections graves comme les sepsis, ne sont souvent plus efficaces. Pire encore, 92.5% des E. coli et 77.6% des Klebsiella spp. sont résistants aux antibiotiques de première intention comme l’ampicilline et la gentamicine. Ces résultats montrent que, dans de nombreux cas, il n’existe plus d’options thérapeutiques viables, exacerbant ainsi la mortalité infantile liée aux infections bactériennes.
La seconde méta-analyse s’est intéressée à la colonisation bactérienne chez les enfants, c’est-à-dire à la présence de bactéries résistantes dans leurs intestins sans infection apparente. Les résultats sont tout aussi préoccupants: 32.2% des enfants sont porteurs d’entérobactéries résistantes aux céphalosporines. Ces proportions augmentent considérablement après un séjour à l’hôpital, où plus de 5% des enfants non porteurs à leur arrivée ressortent colonisés.
L’utilisation systématique et parfois inappropriée des antibiotiques, en raison de l’absence d’outils de diagnostic, contribue largement à ce cercle vicieux. «Le manque d’accès aux cultures microbiologiques et aux marqueurs inflammatoires dans de nombreuses structures médicales de la région conduit à une prescription quasi systématique d’antibiotiques», explique la Dre Noémie Wagner.
Face à cette situation, l’amélioration des infrastructures de diagnostic et la régulation de l’usage des antibiotiques apparaissent comme des priorités absolues. Des initiatives comme le Mini-lab, un laboratoire portable développé par Médecins sans frontières, offrent des solutions prometteuses pour diagnostiquer et traiter les infections bactériennes de manière ciblée. Pour inverser la tendance, les mesures doivent inclure la promotion de l’hygiène, la réduction des prescriptions inappropriées et la collecte de données épidémiologiques plus larges.
En savoir plus : La multirésistance bactérienne aux antibiotiques atteint des niveaux extrêmement préoccupants chez les enfants en Afrique subsaharienne